Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du plus profond sommeil, pour réunir leurs pensées, leurs bras et leurs âmes pour la cause commune. L’équipage de l’Ariel s’était rassemblé en petits groupes, examinant le navire ennemi, et n’attendant que le signal pour courir chacun à son poste. Dès le premier son du tambour tous se rendirent où leurs devoirs respectifs les appelaient. Les canons étaient entourés de jeunes gens lestes et vigoureux, les marins étaient en bon ordre sur le pont, le mousquet appuyé sur l’épaule, ayant les officiers à leur tête, qui portaient leurs bonnets d’abordage, avaient leurs pistolets à leur ceinture et leurs sabres nus à la main. Barnstable se promenait sur le pont d’un pas ferme ; son porte-voix restait suspendu à son index par un ruban, et son télescope, dont il se servait de temps en temps, était sous son bras gauche. Une paire de pistolets de marine était passée dans sa ceinture, et des piles de mousquets, de piques d’abordage et de sabres étaient placées sur divers points du tillac. Les marins ne songeaient plus alors à rire, et ceux qui parlaient encore ne se communiquaient leurs pensées qu’a voix-basse. Pendant ce temps le cutter anglais continuait à s’éloigner des côtes ; mais quand il en fut à environ deux milles, il diminua encore le nombre de ses voiles, et prenant le vent, tira un coup de canon dans une direction opposée à l’Ariel.

— Eh bien ! maître Coffin, dit Barnstable, je gagerais un quintal de morue contre la meilleure tonne de porter qui ait jamais été brassée en Angleterre, que ce drôle s’imagine qu’un schooner yankie peut fuir sous le vent. S’il désire nous parler, pourquoi n’engage-t-il pas la conversation ?

Le contre-maître avait fait ses arrangements pour le combat avec plus de méthode et de philosophie que qui que ce fût sur le bâtiment. Quand le tambour battit le rappel, il jeta de côté son surtout, sa veste et même sa chemise, sans plus hésiter que s’il eût été sous le soleil d’Amérique, prévoyant qu’il allait avoir du travail plus difficile. Personne n’y trouva rien d’extraordinaire, car on savait que c’était sur l’Ariel une sorte d’être privilégié. L’équipage regardait ses opinions en marine comme des oracles, et le commandant lui-même les écoutait avec une certaine déférence. Il était debout, derrière le long canon qui portait son nom, ses bras nerveux croisés sur sa large poitrine devenue pourpre à force d’avoir été exposée au soleil ; ses cheveux