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montagnes sous le sceptre d’un chef mi-civil mi-religieux Pierre Ier qui les gouverna pendant un demi-siècle (1782-1830). Redouté des Turcs auxquels il avait en 1796 infligé une défaite retentissante, il sut s’entendre tour à tour avec les Russes ses coreligionnaires et avec les Français que les hasards de la guerre lui donnaient pour voisins[1].

Depuis la disparition du prince de Valachie, Michel le brave, qui un moment au début du xviiime siècle avait réalisé l’unité roumaine, les deux principautés (Valachie et Moldavie) avaient été gouvernées au nom du sultan par des « hospodars », qui tenaient à Jassy et à Bukarest des cours luxueuses et bigarrées où l’on ne parlait guère que grec et français. Le roumain d’ailleurs écrit le plus souvent en caractères slaves n’accusait guère sa filiation latine. Les paysans opprimés et exploités végétaient tristement. Point de protecteurs. Les Russes qui occupèrent le pays de 1806 à 1812 n’y laissèrent que de fâcheux souvenirs et en partant, ils annexèrent la Bessarabie. Déjà en 1775 l’Autriche s’était fait donner la Bukovine. La patrie roumaine continuait pourtant de vivre au fond des âmes et ses enfants espéraient contre toute espérance. Quant aux Bulgares plus proches du pouvoir oppresseur et moins accentués comme nationalité, ils avaient vécu les quatre derniers siècles dans une sorte de somnolence mais parmi eux les signes précurseurs du réveil prochain s’accusaient.

Tous ces peuples se trouvaient plus ou moins concentrés géographiquement. Rien de pareil pour les Hellènes. Ils étaient répandus sur tous les rivages, très vulnérables par conséquent mais insaisissables en même temps. La Grèce continentale avait infiniment souffert. À travers la Morée se remarquaient encore près des ruines des villages incendiés, des monceaux d’ossements. Dans les montagnes erraient des bandes de « klephtes », brigands romantiques qui se piquaient de belles manières et continuaient d’honorer l’hellénisme et de faire revivre les traditions homériques. C’est dans l’archipel que l’activité nationale s’affirmait. Vers le milieu du xviiime siècle, la marine grecque avait repris vigueur. Débuts modestes. Dans de petites îles, Hydra, Psara… qui jouissaient d’une liberté relative, des armateurs s’étaient

  1. En attribuant en 1797 Venise à l’Autriche, Bonaparte lui avait aussi cédé la Dalmatie mais dès 1806 cette province côtière avait été reprise par la France. La petite république de Raguse demeurée libre jusque là avait été supprimée et bientôt toute l’Illyrie avait passé sous la domination française laquelle se perpétua en ces parages jusqu’en 1813.