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RÉVOLUTION MENTALE[1]


10 janvier 1906.

S’il fallait d’un mot caractériser cette année 1905 si féconde en événements d’une portée lointaine, nous dirions qu’un fait y paraît dominer et résumer tous les autres : l’unité politique du monde est accomplie.

Nos pères avaient vu se former sous leurs yeux étonnés son unité matérielle. Auparavant, il semble qu’il y ait eu plusieurs mondes isolés les uns des autres. Les voyageurs qui les avaient découverts et les traversaient à grand renfort d’énergie et d’endurance en rapportaient d’étranges notions et des récits troublants. On eût dit que les races écloses en ces milieux différaient des nôtres autant qu’en peuvent différer celles dont nos imaginations peuplent les astres de la voie lactée. Par la suite, une sorte de brume se dissipa ; la boule terrestre apparut, rapetissée mais plus séduisante, gagnant en intérêt ce qu’elle perdait en mystère, offrant à l’activité humaine un ensemble assez uniforme sous ses aspects inverses. On connut que la civilisation pourrait s’établir en tous lieux et y vivre. Bientôt, en effet, un casino fonctionna au Yukon, l’impératrice de Chine donna audience aux ambassadrices, le shah de Perse se promena en automobile et des cartes postales illustrées portèrent le timbre de Tombouctou. Du moins subsistait l’espèce de

  1. Cet article parut également en tête du premier numéro de la Revue pour les Français, revue d’éducation et de propagande nationales fondée pour appuyer le mouvement de réforme de l’enseignement.