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DUFRESNY


1648 — 1724



« Tout est amusement dans la vie ; la vertu seule mérite d’être appelée occupation. Les uns s’amusent par l’ambition, les autres par l’intérêt, les autres par l’amour, les hommes du commun par les plaisirs, les grands hommes par la gloire, et moi je m’amuse à considérer que tout cela n’est qu’amusement. Encore une fois, tout est amusement dans la vie, et la vie même n’est qu’un amusement en attendant la mort. » Qui donc prend si lestement les choses, et quel est ce philosophe en gaieté ? Saluez, s’il vous plaît. Nous sommes presque devant un fils de France, et ce n’est pas la faute de la jardinière d’Anet, sa bisaïeule, si ce beau garçon au fin visage qui écrit à cette heure la préface de son meilleur livre, entre une belle fille et une bouteille vide, seules parures de sa chambre en désordre, ne brille pas aux petits appartements, et n’appelle pas Louis XIV mon cousin. Tout comme un autre, il est petit-fils de Henri IV, et vous devinez, à ses maximes qu’il pratique, en pieux héritier, la morale du vert-galant. Saluez, ou plutôt tendez la main à cet enfant prodigue, soldat et poëte, journaliste et jardinier, musicien et agioteur, Charles Rivière Dufresny, Parisien ! C’est un Gaulois de la grand’ville, comme Villon, comme Charron, comme Molière, comme Chapelle ; comme est Regnard, comme sera Voltaire. Par tant de rares qualités d’esprit, il se placerait peut-être parmi les plus dignes représentants de l’illustre compagnie, si, plus que tous les autres ensemble, il n’était un Parisien, un de ces naturels qu’il a dépeints « toujours agités et toujours actifs, commençant mille choses avant que d’en finir une, et en finissant mille autres avant de les avoir commencées. » Il ne sait pas, il ne veut pas savoir le prix du recueillement, cette rançon de la véritable gloire, et sa pensée incontinente va s’éparpillant à ce vent de l’occasion qui ne souffle pas d’ordinaire du