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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

il peut arriver à tous les hommes, si telle est la volonté des dieux ; mais, alors, on l’eût accusée d’avoir prétendu commander aux Grecs, et de les avoir tous livrés à Philippe, en se désistant de cette prétention. Si jamais elle eût cédé, sans combat, ces objets importans, pour lesquels nos ancêtres ont bravé tous les périls, qui n’eût pas eu le dernier mépris, pour vous, Eschine ? car, la république et moi nous serions à l’abri de tout reproche. De quel œil, grands dieux ! verrions-nous accourir ici tous les Grecs, si, les affaires étant réduites au point où elles sont, et Philippe nommé chef et arbitre de la Grèce, d’autres, sans nous, eussent pris les armes pour s’opposer à ce déshonneur ? et cela, tandis qu’Athènes, en aucun tems, ne préféra jamais une sûreté honteuse à des dangers honorables ! Qui des Grecs, qui des Barbares ignore que les Thébains, que les Lacédémoniens, qui avaient la puissance avant eux, que le roi de Perse, nous auraient laissé volontiers toutes nos possessions, nous auraient même accordé toutes nos demandes, si nous eussions voulu recevoir la loi, et permettre à un autre de commander aux Grecs ? Mais, sans doute, cette conduite n’était pas supportable pour des Athéniens ; elle n’était ni dans leurs mœurs, ni dans leur nature. Non, on n’a jamais pu persuader à la république d’Athènes de s’attacher à des peuples puissans, mais injustes, d’acheter son salut au prix de sa liberté : mais on l’a vue, dans tous les tems,