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LUDWIG VAN BEETHOVEN

la jeune baronne Pasqualati, femme de l’ami qui donna au compositeur, pendant plusieurs années, le calme abri de sa maison.

Une chose digne d’être notée et qui ressort de l’examen des œuvres de cette seconde manière, c’est que toutes celles de ces compositions qui racontent ou dévoilent une souffrance amoureuse semblent ne pouvoir se rapporter, chronologiquement parlant, qu’à la passion pour Juliette Guicciardi. Ni Thérèse Malfatti, ni Amélie Sebald, ni Bettina Brentano, ni les autres femmes que Beethoven put remarquer, n’ont laissé d’empreinte sur sa production musicale. Mais, en vérité, ce n’est pas à la brune comtesse aux yeux bleus, ce n’est pas à la femme, qu’on pense en lisant la sonate en ut dièze mineur ou l’appassionata ; comment y voir d’autre personnage que l’artiste créateur lui-même qui se plaint, se révolte, ou se détourne pour aller chercher consolation dans les bois ou les riantes prairies ?

Il est cependant, parmi les amies de Beethoven, une femme dont le nom doit figurer ici, ne fût-ce que pour détruire la légende récemment créée à son sujet. Il s’agit de la comtesse Thérèse de Brunsvik et de ses mystérieuses fiançailles avec Beethoven.

Au cours des polémiques suscitées par ce roman, il est un facteur, le plus important de tous, dont nul musicographe n’a songé à tenir compte : la Musique. Quel artiste, quel homme doué simplement de sens artistique admettrait un instant que la seule œuvre dédiée à la comtesse de Brunsvik, l’insipide sonate en fa dièze majeur, op. 78, puisse être adressée à la même personne que les passionnées lettres d’amour que tout le monde