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ne cessa d’édifier la chrétienté par ses bons exemples. De onze enfants nés de leur mariage, neuf moururent quelque temps après leur baptême, et il ne leur en resta plus que deux : l’aînée de tous, nommée Barbe, et une petite fille de deux ans. Barbe, suivant les pieux exemples de ses parents, se fit remarquer dès l’enfance par sa ferveur et son empressement à se faire instruire. Quand il fut question de son mariage, elle dit à son père et à sa mère : « Veuillez, dans cette affaire si importante, ne pas regarder à la condition plus ou moins élevée, aux richesses ou à la pauvreté. Je désire seulement être unie à un chrétien fervent et bien instruit. » D’après ses vœux nettement formulés, elle fut, malgré la différence d’âge et de conditions, donnée à Charles Tsio, et n’eut qu’à remercier le Seigneur. Les deux époux s’excitaient l’un l’autre à l’amour de Dieu et à la pratique du bien, et leur union fut bénie par la naissance d’un fils.

Pierre, Madeleine et Barbe, arrêtés ensemble à la cinquième bine, furent conduits devant le grand juge criminel, et eurent à subir sept interrogatoires excessivement sévères. Les objets rapportés de Chine par Charles Tsio avaient été saisis dans leur maison, aussi les bourreaux eurent-ils ordre de ne les point ménager. Madeleine et Barbe reçurent chacune deux cent soixante coups de bâton, et souffrirent plusieurs fois la courbure des os, mais leur fermeté ne se démentit nullement. « Ma vie ne m’appartient pas, disait Madeleine au juge, elle est à Dieu qui me l’a donnée, et qui seul peut me la reprendre quand il voudra. Je mourrai s’il le faut pour ce divin arbitre de la vie et de la mort, mais je ne puis le renier. » Pendant les longues souffrances de la vie de prison, ils rendaient grâces à Dieu, et Madeleine disait souvent : « Si ce n’était le secours de Dieu, je ne pourrais endurer même un instant la vermine qui me dévore ; la force pour supporter les épreuves vient uniquement de lui. » Madeleine et Barbe avaient chacune à la prison un enfant à la mamelle. Sentant plusieurs fois leur cœur de mère trop impressionné, et craignant la faiblesse de la nature, elles se séparèrent héroïquement de ces chères petites créatures, et les envoyèrent chez des parents dans la ville.

Transférés au tribunal des crimes, les trois confesseurs montrèrent dans les tortures le même courage qu’auparavant, et furent condamnés à mort le même jour. Pierre obtint le premier la couronne. En allant au supplice, il dit au geôlier : « Va dire à ma femme et à ma fille, qui sont dans la prison des femmes, de ne pas s’attrister de mon sort ; ce serait un sentiment trop naturel,