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Pierre Ni Pa-ou-i, plus connu sous le nom de Ni Tsiem-tsi, naquit d’une famille du peuple au district de Nie-tsiou, vers l’an 1775). Ses deux sœurs étaient mariées, l’aînée à la capitale, l’autre à Siou-ouen, et après la mort de son père, Pierre, encore enfant, suivit sa mère tantôt chez l’une, tantôt chez l’autre de ses sœurs. Vers le temps de l’arrivée du P. Tsiou, pendant un séjour à la capitale, la mère de Pierre entendit parler de la religion chrétienne pour la première fois. Après s’en être bien instruite, elle l’enseigna à ses trois enfants. Le mari de sa fille aînée ne voulut pas l’embrasser, mais il n’inquiétait pas les personnes de sa famille dans la pratique de leurs exercices religieux, et Pierre suivit en toute liberté les avis de sa pieuse mère. Bientôt elle tomba malade, et mourut entourée de ses enfants qui, ne pouvant contenir leur douleur, lui criaient en gémissant : « Mère, mère, allez auprès de Jésus et de Marie. » Ils crurent entendre une voix du ciel qui leur répondit distinctement, trois fois de suite : « Oui, oui. » Plusieurs des assistants, y compris le beau-fils jusque-là infidèle, furent tellement frappés d’admiration que, le jour même, ils se déclarèrent chrétiens.

Pierre resta quelque temps chez sa sœur aînée, pratiquant avec fidélité ses devoirs religieux, mais sans être baptisé ; il se maria ensuite à une chrétienne. La persécution de 1801 ayant dispersé et ruiné presque tous les néophytes, il se trouva dans une si grande misère qu’il dut, ainsi que son beau-frère, exercer le métier de cordonnier pour gagner sa vie. Ce métier, considéré en Corée comme très-vil, le fit mépriser de ses connaissances, et Pierre, ne pouvant supporter leurs plaisanteries, quitta la capitale, se lia avec* des gens sans aveu, et se mit à courir le pays, de côté et d’autre, sans avoir de demeure fixe. On conçoit que, dans cette vie nomade de chercheur d’aventures, il ne devait guère pratiquer la religion ; néanmoins, il y restait attaché, et gardait au fond du cœur un vague désir de se convertir un jour. Il vécut de la sorte pendant de longues années, sans avoir aucune relation avec les chrétiens. À la fin cependant, il retourna à la maison de sa seconde sœur, et, touché de ses avis, reprit peu à peu quelques exercices de piété, quoique souvent encore il se laissât entraîner dans ses vieilles habitudes de vagabondage. Tous lui rendent cette justice que, même dans ses plus mauvais jours, la pureté de ses mœurs ne fut point soupçonnée. À l’âge de cinquante et un ans, il tomba gravement malade et fut, probablement par les soins de sa sœur, baptisé à l’extrémité. Il échappa cette fois à la mort, et la grâce