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CHAPITRE IV.

Mort de Mgr Bruguière. — M. Maubant pénètre en Corée.


Mgr Brugière était arrivé aux portes de sa mission. Ce voyage de trois ans, ces fatigues, ces privations, ces contrariétés sans nombre, n’avaient fait que purifier son cœur et augmenter sa charité. Comme l’écrivait son hôte, M. Mouly, alors missionnaire à Sivang ou Si-ouen-tse, et qui fut depuis vicaire apostolique de la Mongolie : « La pusillanimité des Coréens et les nombreux obstacles qui se sont successivement présentés, affligent Mgr de Capse, sans ralentir toutefois son zèle ni son courage. Il a fait, en traversant la Chine, un rude apprentissage de misères et de contrariétés ; l’impéritie de ses courriers lui a fait subir infiniment plus que ne souffrent ordinairement les autres missionnaires ; il a donné les plus beaux exemples de patience, de pauvreté et d’obéissance à ses conducteurs. Des personnes respectables, du nombre desquelles se trouvent trois illustres prélats de ces pays-ci, peuvent désespérer de la réussite de sa noble entreprise ; lui seul, comme un autre Abraham, sait espérer contre toute espérance. Puisse le Dieu tout-puissant, qui bénit ordinairement les bonnes œuvres les plus traversées, bénir celle-ci et faire arriver heureusement le pasteur au milieu de son cher troupeau ! »

Plusieurs autres causes encore avaient contribué à rendre le voyage de Mgr Bruguière aussi pénible et à entraver ses efforts. Il ne connaissait ni la langue ni les coutumes chinoises, et cette ignorance, on peut facilement l’imaginer, multipliait pour lui, à chaque pas, des difficultés que n’eût pas rencontrées un missionnaire habitué à la Chine. De plus, Dieu, qui l’avait enrichi de si belles qualités du cœur et de l’esprit, ne les lui avait pas données toutes dans une égale mesure. Comme beaucoup d’hommes de grande science et de grand talent, il manquait un peu de cette fécondité de ressources, de ce sens pratique, que ni le courage ni la science ne peuvent suppléer. On peut ajouter qu’à part de rares et nobles exceptions, les missionnaires, soit européens, soit chinois, qu’il rencontra sur son passage, devenus d’une timidité excessive à la suite de continuelles persécutions, craignant à chaque minute de voir la Chine en feu et toutes les chrétientés ruinées à son occasion, ne favorisèrent pas assez son généreux dessein.