Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/148

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enfants de Damien Nam et d’Augustin Ni venaient de montrer dans les supplices. Saisies d’un saint enthousiasme, et jalouses de donner aussi leur vie pour Jésus-Christ, elles résolurent ensemble de se livrer volontairement. Cette détermination extraordinaire, et contraire à la règle commune, fut probablement une inspiration spéciale de la grâce ; à tout le moins paraît-elle avoir été approuvée par Dieu lui-même, car jusqu’à la fin aucune des six ne se laissa ébranler, et leur admirable conduite fit beaucoup d’honneur à la religion. L’histoire ecclésiastique, au reste, nous fournit nombre d’exemples semblables, comme on le voit dans les vies de sainte Appoline, sainte Eulalie, saint Caprais et une foule d’autres, que l’Église honore d’un culte solennel. Nos six héroïnes se rendirent donc, le 11 avril, dans la maison de Damien Nam devenue un poste de satellites, et se livrèrent entre leurs mains.

« Ceux-ci, stupéfaits, refusèrent d’abord de les arrêter : mais elles insistèrent, montrant leurs rosaires comme preuve de leur religion, et obtinrent enfin d’être conduites à la prison des voleurs. Le juge criminel fut étonné et vexé quand on les lui présenta, avec le rapport de leur tradition volontaire. Il entrevoyait sans doute par là que les chrétiens ne seraient pas détruits si facilement qu’on le désirait et qu’on se l’imaginait à la cour. Sur la sommation qu’il leur fit d’apostasier, toutes d’une voix lui répondirent : « Si nous voulions renier Dieu et abandonner notre religion, nous ne nous serions pas présentées de nous-mêmes. » On les mit donc à la question qu’elles supportèrent avec une joie désespérante pour le juge, qui, furieux de voir des femmes et de jeunes filles courir d’elles-mêmes au-devant des supplices, fit redoubler les coups, mais inutilement. On les enferma à la prison, et cinq jours après elles furent traduites de nouveau devant le tribunal. Le juge leur dit : « Maintenant que vous avez goûté des souffrances de la prison, êtes-vous revenues à de meilleurs sentiments ? — Devant le mandarin, repartirent-elles, comment pourrions-nous parler aujourd’hui dans un sens et demain dans l’autre ? Notre résolution est fixe : tuez-nous selon la loi du royaume. » En vain les bourreaux s’acharnèrent à déchirer ces innocentes victimes, à peine paraissaient-elles souffrir.

« La candeur de la jeune Lucie Kim et son égalité d’âme dans les tortures attirèrent tout particulièrement l’attention du grand juge. « Étant aussi bien née que tu l’es, lui dit-il, peux-tu vraiment pratiquer cette religion ? — Oui, vraiment je la pratique.