Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mon domestique Véran me demanda de descendre à terre, pour aller récupérer l’argent qu’il avait laissé dans une famille, où la crainte de la persécution l’avait tenu caché pendant sept ans. Après son départ, le mandarin escorté de ses gens vint à notre barque, et en demanda l’usage pour écarter les jonques chinoises. La loi en Corée ne permet pas de se servir des barques des nobles pour des corvées publiques. Parmi le peuple on m’avait fait passer, je ne sais comment, pour un ian-pan ou noble de haut parage, et en cédant ma barque au mandarin je devais perdre ma considération, ce qui eût nui a nos futures expéditions. D’ailleurs Véran m’avait tracé une ligne de conduite en pareille circonstance. Je répondis au mandarin que ma barque était à mon usage et que je ne pouvais la lui céder. Les satellites m’accablèrent d’injures et se retirèrent en emmenant mon pilote ; ils revinrent le soir, s’emparèrent du second matelot, et le conduisirent à la préfecture. On leur fit plusieurs questions à mon sujet, et leurs réponses éveillèrent de graves soupçons sur mon compte. Le mandarin sut que l’aïeule de l’un d’entre eux était chrétienne. Les satellites tinrent conseil et dirent : « Nous sommes trente ; si cet individu est véritablement noble, nous ne périrons pas tous pour lui avoir fait violence ; on en mettra un ou deux à mort et les autres vivront ; allons nous saisir de sa personne. » Ils vinrent la nuit accompagnés de plusieurs femmes publiques, et se ruèrent sur moi en furibonds ; ils me prirent par les cheveux dont ils m’arrachèrent une partie, me lièrent avec une corde, et me chargèrent de coups de pied, de poing et de bâton. Pendant ce temps, à la faveur des ténèbres de la nuit, ceux des matelots qui restaient se glissèrent dans le canot et s’enfuirent à force de rames.

« Arrivés sur le rivage, les satellites me dépouillèrent de mes habits, me lièrent et me frappèrent de nouveau, m’accablèrent de sarcasmes, et me traînèrent devant le tribunal où s’était assemblée une foule de monde. Le mandarin me dit : « Êtes-vous chrétien ? — Oui, je le suis, » lui répondis-je. — « Pourquoi contre les ordres du roi pratiquez-vous cette religion ? Renoncez-y. — Je pratique ma religion parce qu’elle est vraie ; elle enseigne à honorer Dieu et me conduit à une félicité éternelle ; quant à l’apostasie, inutile de m’en parler. » Pour cette réponse, on me mit à la question. Le juge reprit : « Si vous n’apostasiez, je vais vous faire expirer sous les coups. — Comme il vous plaira ; mais jamais je n’abandonnerai mon Dieu. Voulez-vous entendre la vérité de ma religion ? Écoutez : Le Dieu que j’adore est le