Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/367

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qui s’y étaient introduits pendant sept ans qu’elle fut veuve de pasteurs, disparaissent peu à peu ; les plaies qu’a laissées la persécution se referment. Nous ne pouvons néanmoins encore annoncer rien de bien merveilleux ni de bien stable. Nos chrétiens sont faibles, ils ont besoin d’être fortement soutenus ; mais si Dieu nous permet de travailler quelques années, et surtout s’il nous envoie quelques collaborateurs, nous pouvons espérer de voir notre mission sur le pied de toutes les autres.

« Ce dont nous souffrons le plus, c’est de la disette de chrétiens un peu capables : à peine pouvons-nous avoir des serviteurs pour nous accompagner. Ne croyez pas, en effet, que le premier domestique venu peut conduire le prêtre ; il faut des hommes de ressource, instruits, prudents, stylés à cette besogne, et ces gens-là manquent presque totalement aujourd’hui. Sans un homme de ce genre, vous ne pouvez pas même, sans danger, mettre le pied dans une auberge, et les moindres voyages présentent des obstacles insurmontables. Nous manquons surtout de catéchistes. Figurez-vous un bon paysan de France transformé en prédicateur, et vous aurez encore une trop haute idée de nos catéchistes actuels. Quelques-uns, il est vrai, dépassent ce niveau, mais le nombre en est bien petit. Aussi, pour le moment, il se fait peu de conversions dans la classe instruite ; ceux qui viennent recruter nos rangs sont de braves gens, pauvres, ignorants, simples, plus propres que les autres au royaume de Dieu, dit l’Évangile, car ils reçoivent et gardent la foi bien plus facilement.

« Souvent aussi, nous trouvons de vieux chrétiens qui rentrent au bercail. Il y a un an, je vis une bonne vieille qui, depuis trente ou quarante ans, était chrétienne dans l’âme, mais qui, séparée des néophytes par je ne sais quelle circonstance, n’avait jamais pu les retrouver et recevoir le baptême. Pendant le séjour de nos anciens confrères, elle ne sut rien de leur présence ; le bruit seul de leur mort parvint jusqu’à elle longtemps après leur martyre. Enfin, la Providence permit qu’elle rencontrât des chrétiens, et apprît que d’autres prêtres étaient entrés en Corée ; aussitôt, elle vint avec ses enfants s’établir en pays chrétien. Je la vis environ dix jours après son arrivée, mais son ignorance absolue m’empêcha de lui donner le baptême. Je l’engageai à s’instruire au plus vite, et quelques mois plus tard, j’appris qu’elle était morte ayant reçu le baptême à ses derniers moments. Ces exemples de providence spéciale ne sont pas rares. Que de chrétiens sont encore ainsi dispersés depuis un nombre d’années plus ou moins considérable !