Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/514

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mais considérant que l’attention publique se portait sur lui, il résolut, pour l’honneur de la religion, de faire les funérailles avec toute la pompe possible. Il invita tous les chrétiens du district, et, au jour fixé, le convoi se mit en marche à l’entrée de la nuit. Une grande croix était portée en tête du cortège ; venaient ensuite deux cents lanternes de papier, allumées, attachées au bout de longues piques, puis, tous les chrétiens chantant leurs prières à deux chœurs. Le village entier accourut ; quelques mauvais sujets ayant été avertir un petit mandarin qui réside dans le voisinage, celui-ci se hâta de venir jouir du spectacle et imposa silence à ceux qui voulaient troubler la cérémonie. « C’est un devoir d’honorer ses parents, » leur dit-il ; « laissez ces hommes remplir ce devoir à leur manière. » Le lendemain, nombre de païens, revenus de leur surprise, voulaient chasser ce chrétien du village, mais d’autres prirent son parti. On en appela au petit mandarin, puis à un mandarin supérieur ; ils ne voulurent pas se mêler de l’affaire, et en fin de compte, ce chrétien resta tranquille dans sa maison où, à l’arrivée de l’évêque, il avait déjà réuni plusieurs catéchumènes.

Mgr Daveluy eut de grandes consolations pendant cette tournée. Il les a racontées en détail dans une longue lettre à sa famille ; nous n’en citerons que quelques extraits. «… Je rencontrai une catéchumène, veuve, de soixante et quelques années, d’une foi et d’une simplicité admirables. Ayant entendu, par hasard, dire quelques mots de la religion chrétienne, elle avait résolu de l’embrasser ; mais seule, au milieu d’un village tout païen, ne pouvant s’instruire que dans de rares visites à des chrétiens d’un hameau assez éloigné, elle connaissait à peine les vérités fondamentales. Néanmoins elle s’abstenait scrupuleusement de toute participation aux cérémonies païennes, ce qui lui attirait des reproches de ses deux fils et de ses belles-filles. Sur ces entrefaites, la petite vérole envahit le village ; une foule d’enfants avaient déjà succombé, lorsque les cinq enfants de ses fils furent attaqués le même jour. En Corée, les païens font mille superstitions bizarres contre cette maladie ; les fils et les belles-filles de notre veuve voulaient en faire comme tout le monde, mais elle s’y opposa résolument. Préparait-on sur de petites tables les mets à offrir à la déesse de la petite vérole, elle renversait le tout d’un coup de pied, déclarant que de son vivant on ne souillerait pas ainsi sa maison. Le bruit s’en répandit dans le voisinage ; on la croyait folle, et chacun s’attendait à voir infailliblement périr les cinq petits enfants. Elle, cependant, tenait bon, et ne sachant pas