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de partir au plus tôt. Elle se mit à pleurer en disant : « Si vous saviez qui je suis, vous ne me traiteriez pas de la sorte, » et, après quelques hésitations, elle fit connaître son nom, sa famille, et ses diverses aventures. On la reçut à bras ouverts, et elle commença à étudier à fond la religion dont elle n’avait encore qu’une idée très-vague. Ceci se passait quatre jours avant mon arrivée. J’eus le regret de ne pouvoir pas encore la baptiser, parce qu’elle n’avait pas l’instruction suffisante ; mais vous voyez quelle fervente chrétienne elle fera plus tard…

« Vous comprenez maintenant pourquoi le démon, jaloux de nos conquêtes, furieux de voir les âmes lui échapper, a tout mis en œuvre pour susciter des obstacles, et semer l’ivraie dans un champ si bien préparé. De là, les troubles et les persécutions locales qui ont suivi, et m’ont empêché l’année suivante de faire la visite habituelle… »

Dans les provinces septentrionales, récemment ouvertes à l’Évangile, les progrès de la religion étaient plus rapides et plus considérables que partout ailleurs. Mgr Berneux, n’ayant aucun missionnaire à y envoyer, y alla lui-même, malgré le triste état de sa santé, malgré les avanies et les mauvais traitements qu’il avait eu à y subir l’année précédente. Son voyage commencé à la fin de décembre 1864, dura vingt-sept jours, pendant lesquels il parcourut toutes les chrétientés sur un espace de cent cinquante lieues. Le zèle, la ferveur des néophytes lui firent trouver douces toutes les fatigues, et quand il rentra à la capitale, il avait eu la consolation de baptiser cent trente adultes.

Une foule de catéchumènes dont l’instruction n’était pas suffisamment avancée lors de la visite, ou qui n’avaient pu rencontrer l’évêque, vinrent à la capitale, pendant l’été, recevoir le baptême. Ils arrivaient de six, huit et quelquefois dix journées de distance, par petites troupes de cinq ou six personnes, et tous, à leur retour, emportaient quelques livres de religion pour s’instruire eux-mêmes plus à fond, et prêcher l’Évangile à leurs compatriotes païens. Tous ces nouveaux convertis affichaient publiquement leur foi, prétendant que ne pas se cacher était le meilleur moyen de résister aux vexations. Quelques-uns d’entre eux ayant été, au printemps de 1865, maltraités par les satellites d’un petit mandarin, ils se réunirent au nombre de cinquante, et s’en allèrent droit au gouverneur de la province demander justice. Celui-ci, effrayé, n’en admit que cinq à son audience, les fit emprisonner pour la forme, et les relâcha deux jours après. Ils voulaient pousser l’affaire, et venir à la capitale pour en appeler