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On ne lia point les confesseurs pour les conduire à la capitale ; la corde rouge était passée sur leurs épaules, et on les avait coiffés du bonnet à larges bords. Une joie sainte éclatait sur leurs visages, au grand étonnement de tous les païens qui accouraient pour les voir passer. À la ville de Pieun-taik, on leur avait servi un fort bon dîner gras ; mais c’était jour d’abstinence, ils ne voulurent point y toucher. Les satellites étonnés en demandèrent la raison, et quand ils surent que c’était pour obéir à la loi religieuse, ils s’excusèrent sur leur ignorance, et se hâtèrent de préparer d’autres mets. Arrivés à la capitale, les confesseurs furent conduits à la prison du Kou-riou-kan. On n’a aucun détail précis sur les interrogatoires et les tortures qu’ils eurent à subir. On sait seulement qu’ils ne furent point transférés au Keum-pou comme leurs prédécesseurs, et que devant les juges, Mgr Daveluy, qui possédait à fond la langue coréenne, fit de fréquentes et longues apologies de la religion chrétienne. Pour cette raison peut-être, mais surtout parce qu’il était un des grands maîtres de la religion, il eut à souffrir plus souvent et plus rudement que ses compagnons la bastonnade sur les jambes, les coups de planche, et la poncture des bâtons aiguisés. Le quatrième jour, on porta leur sentence. Mais le roi était alors malade, et une nombreuse troupe de sorciers, réunis au palais, faisaient pour le guérir mille cérémonies diaboliques ; de plus il devait bientôt célébrer son mariage. On craignit que le supplice des Européens ne nuisît à l’effet des sortilèges, et que l’effusion de sang humain dans la capitale ne fût d’un fâcheux augure pour les noces royales. Ordre fut donné d’aller exécuter les condamnés dans la presqu’île de Sou-rieng, canton de Po-rieng, à vingt-cinq lieues au sud de Séoul. On les emmena de suite, en leur adjoignant un autre confesseur, Joseph Tjiang, catéchiste de Pai-rong, et maître de maison de M. Pourthié.

Joseph Tjiang Nak-sio, du village de Neng-tji-tji, district de Souen, avait été baptisé en 1826, et avait converti presque tous les membres de sa famille. C’était un chrétien instruit, prudent, et d’une rare piété, et M. Maubant à peine arrivé en Corée se hâta de le nommer catéchiste, fonction qu’il exerça toute sa vie. Quatre fois les persécutions l’obligèrent à se réfugier dans les montagnes, et à transporter son domicile dans des districts éloignés. Il était établi à Pai-rong depuis douze ans, lorsqu’en 1855, M. Maistre vint y bâtir le séminaire, et il resta seul chargé des trois premiers élèves, jusqu’à l’arrivée de M. Pourthié à la fin de l’année suivante. Depuis lors, il fut tout à la fois le procureur