Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/505

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biante plus foncée. Dans les deux cas, il se forme un ocelle. La matière colorante paraît exister en quantité à peu près constante, mais elle est susceptible de se distribuer dans des directions tant centripètes que centrifuges. Les plumes de la pintade présentent un excellent exemple de taches blanches entourées de zones plus foncées ; or, partout où les taches blanches sont grandes et rapprochées, les zones foncées qui les environnent deviennent confluentes. On peut voir, sur une même rémige du faisan Argus, des taches foncées entourées d’une zone pâle, et des taches blanches entourées d’une zone foncée. La formation d’un ocelle, dans son état le plus élémentaire, paraît donc être un phénomène très-simple. Mais je ne saurais prétendre indiquer quelles ont été les différentes phases de la formation des ocelles plus compliqués, entourés de plusieurs zones successives de couleur différente. Cependant, les plumes zonées des métis produits par volailles diversement coloriés, et la variabilité prodigieuse des ocelles chez les Lépidoptères, nous autorisent à conclure que la formation de ces magnifiques ornements ne peut guère être bien compliquée, mais qu’elle résulte probablement de quelques modifications légères et graduelles de la nature des tissus.


Gradation des caractères sexuels secondaires. — Les cas de gradation ont une grande importance ; ils prouvent, en effet, que l’acquisition d’ornements très-compliqués peut, tout au moins, être amenée par des phases successives. Pour déterminer les phases successives qui ont procuré à un oiseau ses vives couleurs ou ses autres ornements, il faudrait pouvoir étudier la longue lignée de ses ancêtres les plus reculés, ce qui est évidemment impossible. Cependant nous pouvons, en règle générale, trouver un fil conducteur en comparant toutes les espèces d’un même groupe, lorsque ce groupe est considérable ; il est probable en effet que certaines de ces espèces ont dû conserver, au moins en partie, quelques traces de leurs caractères antérieurs. Je préfère ici, au lieu d’entrer dans d’innombrables détails sur divers groupes qui présentent des cas frappants de gradation, étudier un ou deux exemples très-caractéristiques, comme celui du paon, pour voir si nous pouvons ainsi jeter quelque lumière sur les différentes phases qu’a dû traverser le plumage de cet oiseau pour acquérir le degré d’élégance et de splendeur que nous lui connaissons. Le paon est surtout remarquable par la longueur extraordinaire qu’atteignent les plumes rectrices de la queue, la queue par elle-même n’étant pas très-développée. Les barbes qui occupent la presque-totalité de la longueur