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de ces plumes sont séparées ou non composées ; mais on peut observer le même fait dans les plumes de beaucoup d’espèces et chez quelques variétés du coq et du pigeon domestiques. Les barbes se réunissent vers l’extrémité de la tige pour former le disque ovale ou ocelle qui constitue certainement un des ornements les plus beaux que nous connaissions. Cet ocelle se compose d’un centre dentelé, irisé, bleu intense, entouré d’une zone vert brillant, bordée d’une large zone brun cuivré, que circonscrivent à leur tour cinq autres zones étroites de nuances irisées un peu différentes. Le disque présente un caractère qui, malgré son peu d’importance, mérite d’être signalé ; les barbes étant, sur une portion des zones concentriques, plus ou moins dépourvues de barbilles, une partie du disque se trouve ainsi entourée d’une zone presque transparente qui lui donne un aspect admirable. J’ai décrit ailleurs[1] une variation tout à fait analogue des barbes d’une sous-variété du coq de combat, chez lesquelles les pointes, douées d’un lustre métallique, « sont séparées de la partie inférieure de la plume par une zone de forme symétrique et transparente constituée par la partie nue des barbes. » Le bord inférieur ou la base du centre bleu foncé de l’ocelle est profondément dentelé sur la ligne de la tige. Les zones environnantes montrent également, comme on peut le voir dans le dessin (fig. 54), des traces d’indentation ou d’interruption. Ces indentations sont communes aux paons indiens et japonais (Pavo cristatus et P. muticus), et elles m’ont paru mériter une attention particulière, car elles sont probablement en rapport avec le développement de l’ocelle, mais sans que j’aie pu, pendant longtemps, m’expliquer leur signification.

Si on admet le principe de l’évolution graduelle, on peut affirmer qu’il a dû exister autrefois un grand nombre d’espèces qui ont présenté toutes les phases successives entre les couvertures caudales allongées du paon et celles plus courtes des autres oiseaux ; et aussi entre les superbes ocelles du premier et ceux plus simples ou les taches colorées des seconds ; et de même pour tous les autres caractères du paon. Voyons donc chez les gallinacés voisins, si nous trouvons des gradations encore existantes. Les espèces et les sous-espèces de Polyplectron habitent des pays voisins de la patrie du paon, et ils ressemblent assez à cet oiseau pour qu’on les ait appelés faisans-paons. M. Bartlett soutient aussi qu’ils ressemblent au paon par la voix et par quelques-unes de leurs habitudes. Pendant le printemps, ainsi que nous l’avons dit précédemment, les mâles

  1. Variation, etc., vol. I, p. 270.