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204 Difficultés de la théorie.  

transition comparativement soudain ; mais, si le cas s’est présenté, il est probable que les différences entre les jeunes et les adultes et entre les adultes et les vieux ont été primitivement acquises par degrés insensibles.

DIFFICULTÉS SPÉCIALES DE LA THÉORIE DE LA SÉLECTION NATURELLE.

Bien que nous ne devions admettre qu’avec une extrême circonspection l’impossibilité de la formation d’un organe par une série de transitions insensibles, il se présente cependant quelques cas sérieusement difficiles.

Un des plus sérieux est celui des insectes neutres, dont la conformation est souvent toute différente de celle des mâles ou des femelles fécondes ; je traiterai ce sujet dans le prochain chapitre. Les organes électriques des poissons offrent encore de grandes difficultés, car il est impossible de concevoir par quelles phases successives ces appareils merveilleux ont pu se développer. Il n’y a pas lieu, d’ailleurs, d’en être surpris, car nous ne savons même pas à quoi ils servent. Chez le gymnote et chez la torpille ils constituent sans doute un puissant agent de défense et peut-être un moyen de saisir leur proie ; d’autre part, chez la raie, qui possède dans la queue un organe analogue, il se manifeste peu d’électricité, même quand l’animal est très irrité, ainsi que l’a observé Matteucci ; il s’en manifeste même si peu, qu’on peut à peine supposer à cet organe les fonctions que nous venons d’indiquer. En outre, comme l’a démontré le docteur R.-Mac-Donnell, la raie, outre l’organe précité, en possède un autre près de la tête ; on ne sait si ce dernier organe est électrique, mais il paraît être absolument analogue à la batterie électrique de la torpille. On admet généralement qu’il existe une étroite analogie entre ces organes et le muscle ordinaire, tant dans la structure intime et la distribution des nerfs que dans l’action qu’exercent sur eux divers réactifs. Il faut surtout observer qu’une décharge électrique accompagne les contractions musculaires, et, comme l’affirme le docteur Radcliffe, « dans son état de repos l’appareil électrique de la torpille paraît être le siège d’un chargement tout pareil à celui qui s’effectue dans les