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  Objections diverses. 237

mes dont il ne mit pas d’abord en doute la spécificité distincte ; mais, les trouvant ultérieurement sur un même arbuste, il dut ajouter : « Voilà donc, dans un même individu, des loges et un style qui se rattachent tantôt à un axe vertical et tantôt à un gynobase. »

Nous voyons, d’après ce qui précède, qu’on peut attribuer, indépendamment de la sélection naturelle, aux lois de la croissance et à l’action réciproque des parties, un grand nombre de modifications morphologiques chez les plantes. Mais peut-on dire que, dans les cas où ces variations sont si fortement prononcées, on ait devant soi des plantes tendant à un état de développement plus élevé, selon la doctrine de Nägeli, qui croit à une tendance innée vers la perfection ou vers un perfectionnement progressif ? Au contraire, le simple fait que les parties en question diffèrent et varient beaucoup chez une plante quelconque, ne doit-il pas nous porter à conclure que ces modifications ont fort peu d’importance pour elle, bien qu’elles puissent en avoir une très considérable pour nous en ce qui concerne nos classifications ? On ne saurait dire que l’acquisition d’une partie inutile fait monter un organisme dans l’échelle naturelle ; car, dans le cas des fleurs closes et imparfaites que nous avons décrites plus haut, si l’on invoque un principe nouveau, ce serait un principe de nature rétrograde plutôt que progressive ; or, il doit en être de même chez beaucoup d’animaux parasites et dégénérés. Nous ignorons la cause déterminante des modifications précitées ; mais si cette cause inconnue devait agir uniformément pendant un laps de temps très long, nous pouvons penser que les résultats seraient à peu près uniformes ; dans ce cas, tous les individus de l’espèce seraient modifiés de la même manière.

Les caractères précités n’ayant aucune importance pour la prospérité de l’espèce, la sélection naturelle n’a dû ni accumuler ni augmenter les variations légères accidentelles. Une conformation qui s’est développée par une sélection de longue durée, devient ordinairement variable, lorsque cesse l’utilité qu’elle avait pour l’espèce, comme nous le voyons par les organes rudimentaires, la sélection naturelle cessant alors d’agir sur ces organes. Mais, lorsque des modifications sans importance pour la prospérité de l’espèce ont été produites par la nature de l’orga-