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  Objections diverses. 247

secte, a dû se conserver, pendant que les autres variations négligées ont fini par se perdre entièrement ; ou bien même, elles ont dû être éliminées si elles diminuaient sa ressemblance avec l’objet imité. L’objection de M. Mivart aurait, en effet, quelque portée si nous cherchions à expliquer ces ressemblances par une simple variabilité flottante, sans le concours de la sélection naturelle, ce qui n’est pas le cas.

Je ne comprends pas non plus la portée de l’objection que M. Mivart soulève relativement aux « derniers degrés de perfection de l’imitation ou de la mimique », comme dans l’exemple que cite M. Wallace, relatif à un insecte (Ceroxylus laceratus) qui ressemble à une baguette recouverte d’une mousse, au point qu’un Dyak indigène soutenait que les excroissances foliacées étaient en réalité de la mousse. Les insectes sont la proie d’oiseaux et d’autres ennemis doués d’une vue probablement plus perçante que la nôtre ; toute ressemblance pouvant contribuer à dissimuler l’insecte tend donc à assurer d’autant plus sa conservation que cette ressemblance est plus parfaite. Si l’on considère la nature des différences existant entre les espèces du groupe comprenant le Ceroxylus, il n’y a aucune improbabilité à ce que cet insecte ait varié par les irrégularités de sa surface, qui ont pris une coloration plus ou moins verte ; car, dans chaque groupe, les caractères qui diffèrent chez les diverses espèces sont plus sujets à varier, tandis que ceux d’ordre générique ou communs à toutes les espèces sont plus constants.

La baleine du Groënland est un des animaux les plus étonnants qu’il y ait, et les fanons qui revêtent sa mâchoire, un de ses plus singuliers caractères. Les fanons consistent, de chaque côté de la mâchoire supérieure, en une rangée d’environ trois cents plaques ou lames rapprochées, placées transversalement à l’axe le plus long de la bouche. Il y a, à l’intérieur de la rangée principale, quelques rangées subsidiaires. Les extrémités et les bords internes de toutes les plaques s’éraillent en épines rigides, qui recouvrent le palais gigantesque, et servent à tamiser ou à filtrer l’eau et à recueillir ainsi les petites créatures qui servent de nourriture à ces gros animaux. La lame médiane la plus