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  causes de la variabilité. 9

de générations, sur un grand nombre d’individus, ils se modifieraient probablement tous de la même manière. Des faits tels que les excroissances extraordinaires et compliquées, conséquence invariable du dépôt d’une goutte microscopique de poison fournie par un gall-insecte, nous prouvent quelles modifications singulières peuvent, chez les plantes, résulter d’un changement chimique dans la nature de la sève.

Le changement des conditions produit beaucoup plus souvent une variabilité indéfinie qu’une variabilité définie, et la première a probablement joué un rôle beaucoup plus important que la seconde dans la formation de nos races domestiques. Cette variabilité indéfinie se traduit par les innombrables petites particularités qui distinguent les individus d’une même espèce, particularités que l’on ne peut attribuer, en vertu de l’hérédité, ni au père, ni à la mère, ni à un ancêtre plus éloigné. Des différences considérables apparaissent même parfois chez les jeunes d’une même portée, ou chez les plantes nées de graines provenant d’une même capsule. À de longs intervalles, on voit surgir des déviations de conformation assez fortement prononcées pour mériter la qualification de monstruosités ; ces déviations affectent quelques individus, au milieu de millions d’autres élevés dans le même pays et nourris presque de la même manière ; toutefois, on ne peut établir une ligne absolue de démarcation entre les monstruosités et les simples variations. On peut considérer comme les effets indéfinis des conditions d’existence, sur chaque organisme individuel, tous ces changements de conformation, qu’ils soient peu prononcés ou qu’ils le soient beaucoup, qui se manifestent chez un grand nombre d’individus vivant ensemble. On pourrait comparer ces effets indéfinis aux effets d’un refroidissement, lequel affecte différentes personnes de façon indéfinie, selon leur état de santé ou leur constitution, se traduisant chez les unes par un rhume de poitrine, chez les autres par un rhume de cerveau, chez celle-ci par un rhumatisme, chez celle-là par une inflammation de divers organes.

Passons à ce que j’ai appelé l’action indirecte du changement des conditions d’existence, c’est-à-dire les changements provenant de modifications affectant le système reproducteur. Deux causes principales nous autorisent à admettre l’existence de ces va-