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  Objections diverses. 269

rées au point de vue de leur fonction par la sélection naturelle et concentrées sur un espace limité, ont fini par former la mamelle. Il n’est pas plus difficile de comprendre comment les piquants ramifiés de quelque ancien échinoderme, servant d’armes défensives, ont été transformés par la sélection naturelle en pédicellaires tridactyles, que de s’expliquer le développement des pinces des crustacés par des modifications utiles, quoique légères, apportées dans les derniers segments d’un membre servant d’abord uniquement à la locomotion. Les aviculaires et les cils vibratiles des polyzoaires sont des organes ayant une même origine, quoique fort différents par leur aspect ; il est facile de comprendre les services qu’ont rendus les phases successives qui ont produit les cils vibratiles. Dans les amas polliniques des orchidées, on peut retrouver les phases de la transformation en caudicule des filaments qui primitivement servaient à rattacher ensemble les grains de pollen ; on peut également suivre la série des transformations par lesquelles la substance visqueuse semblable à celle que sécrètent les stigmates des fleurs ordinaires, et servant à peu près, quoique pas tout à fait, au même usage, s’est attachée aux extrémités libres des caudicules ; toutes ces gradations ont été évidemment avantageuses aux plantes en question. Quant aux plantes grimpantes, il est inutile de répéter ce que je viens de dire à l’instant.

Si la sélection naturelle a tant de puissance, a-t-on souvent demandé, pourquoi n’a-t-elle pas donné à certaines espèces telle ou telle conformation qui leur eût été avantageuse ? Mais il serait déraisonnable de demander une réponse précise à des questions de ce genre, si nous réfléchissons à notre ignorance sur le passé de chaque espèce et sur les conditions qui, aujourd’hui, déterminent son abondance et sa distribution. Sauf quelques cas où l’on peut invoquer ces causes spéciales, on ne peut donner ordinairement que des raisons générales. Ainsi, comme il faut nécessairement beaucoup de modifications coordonnées pour adapter une espèce à de nouvelles habitudes d’existence, il a pu arriver souvent que les parties nécessaires n’ont pas varié dans la bonne direction ou jusqu’au degré voulu. L’accroissement numérique a dû, pour beaucoup d’espèces, être limité par des agents de destruction qui étaient étrangers à tout rapport avec