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332 Hybridité.  

dations entre une fécondité à peine diminuée et la stérilité. On peut admettre qu’il serait avantageux pour une espèce naissante de devenir un peu moins féconde si elle se croise avec sa forme parente ou avec une autre variété, parce qu’elle produirait ainsi moins de descendants bâtards et dégénérés pouvant mélanger leur sang avec la nouvelle espèce en voie de formation. Mais si l’on réfléchit aux degrés successifs nécessaires pour que la sélection naturelle ait développé ce commencement de stérilité et l’ait amené au point où il en est arrivé chez la plupart des espèces ; pour qu’elle ait, en outre, rendu cette stérilité universelle chez les formes qui ont été différenciées de manière à être classées dans des genres et dans des familles distincts, la question se complique considérablement. Après mûre réflexion, il me semble que la sélection naturelle n’a pas pu produire ce résultat. Prenons deux espèces quelconques qui, croisées l’une avec l’autre, ne produisent que des descendants peu nombreux et stériles ; quelle cause pourrait, dans ce cas, favoriser la persistance des individus qui, doués d’une stérilité mutuelle un peu plus prononcée, s’approcheraient ainsi d’un degré vers la stérilité absolue ? Cependant, si on fait intervenir la sélection naturelle, une tendance de ce genre a dû incessamment se présenter chez beaucoup d’espèces, car la plupart sont réciproquement complètement stériles. Nous avons, dans le cas des insectes neutres, des raisons pour croire que la sélection naturelle a lentement accumulé des modifications de conformation et de fécondité, par suite des avantages indirects qui ont pu en résulter pour la communauté dont ils font partie sur les autres communautés de la même espèce. Mais, chez un animal qui ne vit pas en société, une stérilité même légère accompagnant son croisement avec une autre variété n’entraînerait aucun avantage, ni direct pour lui, ni indirect pour les autres individus de la même variété, de nature à favoriser leur conservation. Il serait d’ailleurs superflu de discuter cette question en détail. Nous trouvons, en effet, chez les plantes, des preuves convaincantes que la stérilité des espèces croisées dépend de quelque principe indépendant de la sélection naturelle. Gärtner et Kölreuter ont prouvé que, chez les genres comprenant beaucoup d’espèces, on peut établir une série allant des espèces qui, croisées, produisent toujours moins