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360 Insuffisance des documents géologiques.  

trahit ces prodigieux mouvements, les amas de rochers de chaque côté de la faille ayant été complètement balayés.

D’autre part, dans toutes les parties du globe, les amas de couches sédimentaires ont une épaisseur prodigieuse. J’ai vu, dans les Cordillères, une masse de conglomérat dont j’ai estimé l’épaisseur à environ 10000 pieds ; et, bien que les conglomérats aient dû probablement s’accumuler plus vite que des couches de sédiments plus fins, ils ne sont cependant composés que de cailloux roulés et arrondis qui, portant chacun l’empreinte du temps, prouvent avec quelle lenteur des masses aussi considérables ont dû s’entasser. Le professeur Ramsay m’a donné les épaisseurs maxima des formations successives dans différentes parties de la Grande-Bretagne, d’après des mesures prises sur les lieux dans la plupart des cas. En voici le résultat :


  Pieds anglais.
Couches paléozoïques (non compris les roches ignées) 37154    
Couches secondaires 13190    
Couches tertiaires 2340    


— formant un total de 72584 pieds, c’est-à-dire environ 13 milles anglais et trois quarts. Certaines formations, qui sont représentées en Angleterre par des couches minces, atteignent sur le continent une épaisseur de plusieurs milliers de pieds. En outre, s’il faut en croire la plupart des géologues, il doit s’être écoulé, entre les formations successives, des périodes extrêmement longues pendant lesquelles aucun dépôt ne s’est formé. La masse entière des couches superposées des roches sédimentaires de l’Angleterre ne donne donc qu’une idée incomplète du temps qui s’est écoulé pendant leur accumulation. L’étude de faits de cette nature semble produire sur l’esprit une impression analogue à celle qui résulte de nos vaines tentatives pour concevoir l’idée d’éternité.

Cette impression n’est pourtant pas absolument juste. M. Croll fait remarquer, dans un intéressant mémoire, que nous ne nous trompons pas par « une conception trop élevée de la longueur des périodes géologiques », mais en les estimant en années. Lorsque les géologues envisagent des phénomènes considérables et compliqués, et qu’ils considèrent ensuite les chiffres qui représentent des millions d’années, les deux impressions produites