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  Développement et embryologie. 519

transversale, une foule d’énormes méduses flottantes ? Celles-ci, à leur tour, produisent des œufs d’où sortent des animalcules doués de la faculté de nager ; ils s’attachent aux rochers et se développent ensuite en corallines ramifiées ; ce cycle se continue ainsi à l’infini. La croyance à l’identité essentielle de la génération alternante avec la métamorphose ordinaire a été confirmée dans une forte mesure par une découverte de Wagner ; il a observé, en effet, que la larve de la cécidomye produit asexuellement d’autres larves. Celles-ci, à leur tour, en produisent d’autres, qui finissent par se développer en mâles et en femelles réels, propageant leur espèce de la façon habituelle, par des œufs.

Je dois ajouter que, lorsqu’on annonça la remarquable découverte de Wagner, on me demanda comment il était possible de concevoir que la larve de cette mouche ait pu acquérir l’aptitude à une reproduction asexuelle. Il était impossible de répondre tant que le cas restait unique. Mais Grimm a démontré qu’une autre mouche, le chironome, se reproduit d’une manière presque identique, et il croit que ce phénomène se présente fréquemment dans cet ordre. C’est la chrysalide et non la larve du chironome qui a cette aptitude, et Grimm démontre, en outre, que ce cas relie jusqu’à un certain point, « celui de la cécidomye avec la parthénogénèse des coccidés », — le terme parthénogénèse impliquant que les femelles adultes des coccidés peuvent produire des œufs féconds sans le concours du mâle. On sait actuellement que certains animaux, appartenant à plusieurs classes, sont doués de l’aptitude à la reproduction ordinaire dès un âge extraordinairement précoce ; or, nous n’avons qu’à faire remonter graduellement la reproduction parthénogénétique à un âge toujours plus précoce — le chironome nous offre, d’ailleurs, une phase presque exactement intermédiaire, celle de la chrysalide — pour expliquer le cas merveilleux de la cécidomye.

Nous avons déjà constaté que diverses parties d’un même individu, qui sont identiquement semblables pendant la première période embryonnaire, se différencient considérablement à l’état adulte et servent alors à des usages fort différents. Nous avons démontré, en outre, que les embryons des espèces les plus distinctes appartenant à une même classe sont généralement très semblables, mais en se développant deviennent fort différents.