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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

expliquent suffisamment le déclin de la famille chez nous et le déclin même de la vigueur physique, morale et intellectuelle de l’individu, s’il est vrai que la mère transmet ses qualités natives à l’enfant par la filiation et s’il est incontestable qu’elle lui inculque des habitudes, des idées, des principes et des exemples par l’éducation.

La femme accablée de devoirs sans compensation trouve donc à son entrée au couvent tous les moyens de travail que la société lui refusait : instruction professionnelle pour le soin des malades et les œuvres variées de l’assistance ; certitude de subsistance en cas de chômage ; d’asile, de retraite en cas de maladies, d’infirmités, de vieillesse, etc., et toujours réduction de moitié prix pour ses voyages en chemin de fer. Quoi qu’il arrive, la voilà prémunie contre l’isolement de la séculière dans la lutte si rude de l’existence ; la voilà pourvue d’armes victorieuses contre cette concurrence téméraire.

Pour ne considérer que l’instruction, la femme en prenant la coiffe et le voile reçoit un bonnet de docteur qui lui permet de professer sans diplôme dans l’enseignement des femmes à tous ses degrés. La lettre d’obédience, en conférant aux supérieurs des congrégations religieuses le droit d’envoyer aux communes des sujets qui ne relèvent que d’eux, de débattre seuls leurs intérêts avec ces communes, de désigner aux écoles les livres à employer, etc., forme une espèce d’État dans l’État aussi despotique que l’a été jusqu’à ce jour notre centralisation administrative. La loi de disjonction qu’établit entre l’institutrice séculière et l’institutrice congréganiste ce privilége d’obédience est la ruine même de l’enseignement des femmes livré à tous les préjugés de l’ignorance. Inutile de dire que les règles les plus élémentaires de l’équité et du droit public demandent qu’une loi réagisse avec promptitude et énergie contre cet abus ; il nous aurait révoltés depuis longtemps déjà si nos différents régimes administratifs avaient pu nous laisser quelques sentiments du juste et de l’honnête[1].

  1. Voir l’École par M. Jules Simon.