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L’ÉMANCIPATION DE LA FEMME

telligence et la réflexion se développent ; l’économie et les vertus de foyer des gouvernants assurent la prospérité nationale ; le pouvoir exécutif, devenu l’expression de la raison commune, s’exerce pour le bien, se rend respectable et fonde la stabilité politique sur l’harmonie sociale.

Ce discernement seul, répétons-le, distingue le peuple en progrès du peuple en décadence, car il est radicalement impossible à celui qui rejette le frein, qui tolère et encourage la licence dans la vie privée, de conserver dans la vie publique la liberté, qui n’est que l’école du respect pour ce qui est respectable.

Cette considération est capitale pour nous au moment où nous prétendons nous régénérer en maintenant les droits du mal dans la vie privée de l’individu et du fonctionnaire ; aberration illogique et criminelle, qui tient à la fois à la corruption des hommes et à l’imperfection des lois[1], et qui nous marque du sceau de la réprobation, puisque les réformes qui doivent racheter les opprimés, réhabiliter le droit, la conscience et l’honneur de la France, tiennent en partie à la sauvegarde de la justice dans la vie privée.

Puissent nos infortunées nations de race latine comprendre enfin pourquoi leurs efforts sont si stériles, lorsqu’elles singent avec une ridicule impuissance les constitutions politiques des peuples libres ! En vain se donneront-elles des chefs électifs et des chefs héréditaires ; en vain chercheront-elles leur salut dans la division des pouvoirs législatifs en chambre haute et en chambre basse, etc. : elles ont été, qu’elles le sachent bien, marquées du stigmate des esclaves, le jour où elles ont établi l’iniquité dans l’enceinte même de la justice en repoussant la responsabilité civile, la solidarité humaine, qui fait les

  1. Il est de fait que l’ordre économique ne serait pas troublé comme il l’est chez nous, si le scandale des fortunes illicites était soumis au contrôle de l’opinion. Peut-être les défenseurs de notre rigide et étroite morale de convention la trouveraient-ils aussi peu conforme à la vérité des choses s’ils ne pouvaient l’enfreindre sans responsabilité, et sentiraient-ils enfin la nécessité de fonder l’union des sexes sur la forte assise de la morale naturelle, sanctionnée par la loi civile.