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LES ANCIENS CANADIENS.

leurs mâchoires menacés par cette charge d’un nouveau genre. Le chevalier regarda ensuite tout le monde d’un air fier et capable ; et à l’aide de sa canne, alla s’asseoir sur un fauteuil pour se reposer des lauriers qu’il venait de faire cueillir au roi de France avec cent officiers comme son neveu.

L’arrivée de de Locheill avec les lettres de Jules répandit la joie la plus vive dans tous les cœurs de cette excellente famille ; on ne pouvait se lasser de l’interroger sur un être si cher, sur des parents et des amis qu’on avait peu d’espoir de revoir, sur le faubourg Saint-Germain, sur la cour de France, sur ses propres aventures depuis son départ du Canada.

Arché voulut voir ensuite les domestiques : il trouva la mulâtresse Lisette, occupée dans la cuisine des apprêts du dîner : elle lui sauta au cou comme elle faisait jadis, quand il venait au manoir pendant les vacances de collège avec Jules qu’elle avait élevé ; et les sanglots lui coupèrent la voix.

Cette mulâtresse, que le capitaine avait achetée à l’âge de quatre ans, était, malgré ses défauts, très attachée à toute la famille. Elle ne craignait un peu que le maître ; quant à la maîtresse, sur le principe qu’elle était plus ancienne qu’elle dans la maison, elle ne lui obéissait qu’en temps et lieux. Blanche et son frère étaient les seuls qui, par la douceur, lui faisaient faire ce qu’ils voulaient : et quoique Jules la fit endiabler très souvent, elle ne faisait que rire de ses espiègleries ; toujours prête, en outre, à cacher ses fredaines et à prendre sa défense quand ses parents le grondaient (e).

M. d’Haberville à bout de patience l’avait depuis longtemps émancipée, mais « elle se moquait de son