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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

d’une étonnante simplicité ; la plupart des événements sont prévus et même annoncés dès le commencement : c’est une cérémonie religieuse qu’une tragédie grecque. Le spectacle se donnoit en l’honneur des dieux, et des hymnes interrompus par des dialogues et des récits peignoient tantôt les dieux cléments, tantôt les dieux terribles, mais toujours le destin planant sur la vie de l’homme. Lorsque ces mêmes sujets ont été transportés au théâtre français, nos grands poètes leur ont donné plus de variété ; ils ont multiplié les incidents, ménagé les surprises, et resserré le nœud. Il falloit en effet suppléer de quelque manière à l’intérêt national et religieux que les Grecs prenoient à ces pièces et que nous n’éprouvions pas ; toutefois non contents d’animer les pièces grecques, nous avons prêté aux personnages nos mœurs et nos sentiments, la politique et la galanterie modernes ; et c’est pour cela qu’un si grand nombre d’étrangers ne conçoivent pas l’admiration que nos chefs-d’œuvre nous inspirent. En effet, quand on les entend dans une autre langue, quand ils sont dépouillés de la beauté magique du style, on est surpris du peu d’émotion qu’ils produisent et des inconvenances qu’on y trouve : car ce qui ne s’accorde ni avec le