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DE L’ART DRAMATIQUE

siècle, ni avec les mœurs nationales des personnages que l’on représente, n’est-il pas aussi une inconvenance ? et n’y a-t-il de ridicule que ce qui ne nous ressemble pas ?

Les pièces dont les sujets sont grecs ne perdent rien à la sévérité de nos règles dramatiques ; mais si nous voulions goûter, comme les Anglais, le plaisir d’avoir un théâtre historique, d’être intéressés par nos souvenirs, émus par notre religion, comment seroit-il possible de se conformer rigoureusement, d’une part, aux trois unités, et de l’autre, au genre de pompe dont on se fait une loi dans nos tragédies ?

C’est une question si rebattue que celle des trois unités, qu’on n’ose presque pas en reparler ; mais de ces trois unités il n’y en a qu’une d’importante, celle de l’action, et l’on ne peut jamais considérer les autres que comme lui étant subordonnées. Or, si la vérité de l’action perd à la nécessité puérile de ne pas changer de lieu et de se borner à vingt-quatre heures, imposer cette nécessité, c’est soumettre le génie dramatique à une gêne dans le genre de celle des acrostiches, gêne qui sacrifie le fond de l’art à sa forme.

Voltaire est celui de nos grands poëtes tra-