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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

de l’histoire ; car si l’on s’en tient exclusivement à ces copies toujours plus pâles des mêmes chefs-d’œuvre, on finira par ne plus voir au théâtre que des marionnettes héroïques, sacrifiant l’amour au devoir, préférant la mort à l’esclavage, inspirées par l’antithèse dans leurs actions comme dans leurs paroles, mais sans aucun rapport avec cette étonnante créature qu’on appelle l’homme, avec la destinée redoutable qui tour à tour l’entraîne et le poursuit.

Les défauts du théâtre allemand sont faciles à remarquer : tout ce qui tient au manque d’usage du monde, dans les arts comme dans la société, frappe d’abord les esprits les plus superficiels ; mais, pour sentir les beautés qui viennent de l’âme, il est nécessaire d’apporter dans l’appréciation des ouvrages qui nous sont présentés un genre de bonhomie tout-à-fait d’accord avec une haute supériorité. La moquerie n’est souvent qu’un sentiment vulgaire traduit en impertinence. La faculté d’admirer la véritable grandeur à travers les fautes de goût en littérature comme à travers les inconséquences dans la vie, cette faculté est la seule qui honore celui qui juge.

En faisant connoître un théâtre fondé sur