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LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

qui a acquis une grande fortune dans le commerce, mais dont les lumières et la bienfaisance rendent les habitudes généreuses. Il comprend toutes les croyances sincères, et voit la Divinité dans le cœur de tout homme vertueux. Ce caractère est d’une admirable simplicité. L’on s’étonne de l’attendrissement qu’il cause, quoiqu’il ne soit agité ni par des passions vives ni par des circonstances fortes. Une fois cependant on veut enlever à Nathan une jeune fille à laquelle il a servi de père, et qu’il a comblée de soins depuis sa naissance : la douleur de s’en séparer lui seroit amère ; et pour se défendre de l’injustice qui veut la lui ravir, il raconte comment elle est tombée entre ses mains.

Les chrétiens immolèrent tous les juifs à Gaza, et dans la même nuit Nathan vit périr sa femme et ses sept enfants ; il passa trois jours prosterné dans la poussière, jurant une haine implacable aux chrétiens ; peu à peu la raison lui revint, et il s’écria « Il y a pourtant un Dieu, que sa volonté soit faite ! » Dans ce moment un prêtre vint le prier de se charger d’un enfant chrétien, orphelin dès le berceau, et le vieillard hébreux l’adopta. L’attendrissement de Nathan en faisant ce récit émeut d’autant plus, qu’il