Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 2, 1814.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
LA LITTÉRATURE ET LES ARTS

comme un son faux dans un air simple et mélancolique. Rien n’échappe alors par le bruit, et tout s’adresse directement au cœur. Enfin la critique la plus universellement répétée contre le Walstein français, c’est que le caractère de Walstein lui-même est superstitieux, incertain irrésolu, et ne s’accorde pas avec le modèle héroïque admis pour ce genre de rôle. Les Français se privent d’une source infinie d’effets et d’émotions en réduisant les caractères tragiques, comme les notes de musique ou les couleurs du prisme, à quelques traits saillants, toujours les mêmes ; chaque personnage doit se conformer à l’un des principaux types reconnus. On diroit que chez nous la logique est le fondement des arts, et cette nature ondoyante dont parle Montaigne est bannie de nos tragédies ; on n’y admet que des sentiments tout bons ou tout mauvais, et cependant il n’y a rien qui ne soit mélangé dans l’âme humaine.

On raisonne en France sur un personnage tragique comme sur un ministre d’état, et l’on se plaint de ce qu’il fait ou de ce qu’il ne fait pas, comme si l’on tenoit une gazette à la main pour le juger. Les inconséquences des passions