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WALSTEIN, ET MARIE STUART.

sont permises sur le théâtre français, mais non pas les inconséquences des caractères. La passion étant connue plus ou moins de tous les cœurs, on s’attend à ses égarements, et l’on peut en quelque sorte fixer d’avance ses contradictions mêmes ; mais le caractère a toujours quelque chose d’inattendu qu’on ne peut renfermer dans aucune règle. Tantôt il se dirige vers son but, tantôt il s’en éloigne. Quand on a dit d’un personnage en France : — Il ne sait pas ce qu’il veut, — on ne s’y intéresse plus ; tandis que c’est précisément l’homme qui ne sait pas ce qu’il veut dans lequel la nature se montre avec une force et une indépendance vraiment tragiques.

Les personnages de Shakespear font éprouver plusieurs fois dans la même pièce des impressions tout-à-fait différentes aux spectateurs. Richard II, dans les trois premiers actes de la tragédie de ce nom, inspire de l’aversion et du mépris ; mais quand le malheur l’atteint, quand on le force à céder son trône à son ennemi, au milieu du parlement, sa situation et son courage arrachent des larmes. On aime cette noblesse royale qui reparoît dans l’adversité, et la couronne semble planer encore sur la tête de celui