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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

trouva point de preuves contre lui ; mais M. de la Fayette ne supportoit pas l’idée que l’on attribuât même les violences populaires à ce qu’on pouvoit appeler une conspiration. Il exigea du duc d’aller en Angleterre ; et ce prince, dont on ne sauroit qualifier la déplorable faiblesse, accepta sans résistance une mission qui n’étoit qu’un prétexte pour l’éloigner. Depuis cette singulière condescendance, je ne crois pas que les jacobins mêmes aient jamais eu l’idée qu’un tel homme pût influer en rien sur le sort de la France : les vertus de sa famille nous commandent de ne plus parler de lui.

Les provinces partageoient l’agitation de la capitale, et l’amour de l’égalité mettoit en mouvement la France, comme la haine du papisme excitoit les passions des Anglais dans le dix-septième siècle. L’assemblée constituante étoit battue par les flots au milieu desquels elle sembloit diriger sa course. L’homme le plus marquant entre les députés, Mirabeau, inspiroit pour la première fois quelque estime ; et l’on ne pouvoit même s’empêcher d’avoir pitié de la contrainte imposée à sa supériorité naturelle. Sans cesse, dans le même discours, il faisoit la part de la popularité et celle de la raison ; il essayoit d’obtenir de