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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

souffert pour qu’on n’osât plus même avoir raison contre eux.

Tout étoit en opposition dans les intérêts, dans les sentiments, dans la manière de penser ; mais, tant que les échafauds n’avoient point été dressés, la parole étoit encore un médiateur acceptable entre les deux partis. C’est la dernière fois, hélas ! que l’esprit françois se soit montré dans tout son éclat ; c’est la dernière fois, et à quelques égards aussi la première, que la société de Paris ait pu donner l’idée de cette communication des esprits supérieurs entre eux, la plus noble jouissance dont la nature humaine soit capable. Ceux qui ont vécu dans ce temps ne sauroient s’empêcher d’avouer qu’on n’a jamais vu ni tant de vie ni tant d’esprit nulle part ; l’on peut juger, par la foule d’hommes de talent que les circonstances développèrent alors, ce que seroient les François s’ils étoient appelés à se mêler des affaires publiques, dans la route tracée par une constitution sage et sincère.

On peut mettre en effet dans les institutions politiques une sorte d’hypocrisie qui condamne, dès qu’on se trouve en société, à se taire ou à tromper. La conversation en France est aussi gâtée depuis quinze ans par les sophismes de