Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
431
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

quer c’est que l’assemblée constituante rejeta toutes les mesures qui lui furent proposées pour entraver la liberté civile. La minorité de la noblesse avoit cet esprit de justice, inséparable du désintéressement. Parmi les députés du tiers état, Dupont de Nemours, qui a survécu, malgré son courage, Thouret, Barnave, Chapelier, et tant d’autres, qui ont péri victimes de leurs excellens principes, ne portoient certainement dans les délibérations que les intentions les plus pures. Mais la majorité tumultueuse et ignorante eut le dessus dans les décrets relatifs à la constitution. On étoit assez éclairé en France sur tout ce qui concernoit l’ordre judiciaire et l’administration ; mais la théorie des pouvoirs exigeoit des connaissances plus approfondies. C’étoit donc le plus pénible des spectacles intellectuels, que de voir les bienfaits de la liberté civile mis sous la sauvegarde d’une liberté politique sans mesure et sans force.

Cette malheureuse constitution, si bonne par ses bases et si mauvaise par son organisation, fut présentée à l’acceptation du roi. Il ne pouvoit certainement pas la refuser, puisqu’elle terminoit sa captivité ; mais on se flatta que son consentement étoit volontaire. On fit