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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/9

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CORINNE OU L’ITALIE

gner ; tout est solennel dans un voyage dont l’Océan marque les premiers pas : il semble qu’un abîme s’entr’ouvre derrière vous, et que le retour pourrait devenir à jamais impossible. D’ailleurs le spectacle de la mer fait toujours une impression profonde ; elle est l’image de cet infini qui attire sans cesse la pensée, et dans lequel sans cesse elle va se perdre. Oswald, appuyé sur le gouvernail et les regards fixés sur les vagues, était calme en apparence, car sa fierté et sa timidité réunies ne lui permettaient presque jamais de montrer même à ses amis ce qu’il éprouvait ; mais des sentimens pénibles l’agitaient intérieurement. Il se rappelait le temps où le spectacle de la mer animait sa jeunesse par le désir de fendre les flots à la nage, de mesurer sa force contre elle. — Pourquoi, se disait-il avec un regret amer, pourquoi me livrer sans relâche à la réflexion ? Il y a tant de plaisirs dans la vie active, dans ces exercices violens qui nous font sentir l’énergie de l’existence ! La mort elle-même alors ne semble qu’un événement peut-être glorieux, subit au moins, et que le déclin n’a point précédé. Mais cette mort qui vient sans que le courage l’ait cherchée ; cette mort des ténèbres qui vous enlève dans la nuit ce que vous avez de plus cher, qui méprise