Page:Delorme - La Misère au sein des richesses, réflexions diverses sur Haïti, 1873.pdf/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

135

autres nations. Et la force morale est aussi une grande force.

Il ne manquera sans doute pas de sceptiques, je les vois d’ici, pour répondre à ces paroles : « Il n’y a pas moyen de relever ce pays. » On doit bien soigneuse­ ment se mettre en garde contre ceux qui tiennent de pareils propos. Ce sont ces propos-là qui répandent le découragement’dans notre pays et qui le perdent. Cer­ tainement il est facile de dire : « Il n’y a pas moyen. » Cela est plus simple, et avec cela, on se dispense de rien entreprendre. Ce mot barbare il n’y a pas moyen est l’ul­timatum de la paresse, de la défaillance, de l’incapa­cité consciente d’elle-même, ou de la mauvaise foi. C’est ce mot-là qui, répété de proche en proche depuis 1844 comme une consigne, a jeté notre pays dans l’état de misère où il se trouve aujourd’hui.

Non, il n’est pas vrai qu’il n’y ait pas moyen. Partout sur la terre où il y a des hommes ayant dans l’âme un sentiment d’amour-propre et une idée juste dans la tête, il y a moyen de fonder une société et d’en faire sortir une civilisation. Ceux-là qui disent qu’il n’y a pas moyen sont ceux qui ne sont pas capables de trouver ce moyen, qui n’ont pas le courage d’entreprendre ce qu’il faut faire, ou qui n’ont pas à cœur de faire naître cette pros­périté publique dont je parle ici.

Si mes concitoyens continuent à prendre pour argent comptant ce mot stupide et honteux : il n’y a pas moyen, ils ne tarderont pas beaucoup à le déplorer : ils deviendront la proie de l’étranger.