Page:Demeny - La Robe de soie, 1877.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
LA ROBE DE SOIE


Ma belle robe blanche, elle m’appartient, père,
Pourquoi la prenais-tu ?
 L’image du repaire
D’où la veille il sortait, saisit l’infortuné :
Comme il aurait voulu ne jamais être né !

L’enfant était en proie à la fièvre, au délire,
Et, dans ses yeux de feu, l’on pouvait déjà lire
Que la fin approchait : sur son corps, la sueur
Ruisselait. D’une vive et suprême lueur
Le regard brille, quand la dernière heure tinte.
Le soir, on reposa ; par la fatigue atteinte,
La malade parut calmée et s’assoupit.
Mais, à minuit, un cri terrifiant rompit
Le silence ; chacun se réveille et regarde :
Madeleine, debout, frissonnante, hagarde,
Avait saisi la robe et, d’un air triomphant,
Radieuse, y drapait son frêle corps d’enfant ;
Puis elle retomba sans forces sur sa couche :
Un étrange sourire illuminait sa bouche.
Elle mourut ainsi.

Le matin, on put voir,
Quand l’aube se leva, sans un rayon d’espoir,
Sur la chambre où la Mort rencontrait la Misère,
À genoux, le petit François près de sa mère :
Jacques, l’œil sec, avait l’aspect d’un insensé ;
N’ayant plus l’avenir, il songeait au passé,
Au jour où Madeleine avait vu la lumière,
Ne sachant, pauvre enfant, ce qu’était cette terre
Où sans avoir son fruit se desséche la fleur,