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LA ROBE DE SOIE


Où dans les cœurs blessés n’éclôt que la douleur ;
Où, parce que la mode avait banni la soie,
Lui, le vaillant, dont les labeurs étaient la joie,
Il se trouvait réduit à se passer de pain.
Poursuivant, malgré tout, son beau rêve sans fin,
Il crut voir le matin béni du mariage :
Madeleine était femme enfin, elle avait l’âge
De parer sa beauté du chaste vêtement,
Et de donner son cœur intact à son amant.
François, sans rien comprendre à ce lugubre drame,
Regardait fixement l’éblouissante trame
Où le mignon cadavre, encadré de blancheur,
Resplendissait : Elle est belle, petite sœur,
Elle a sa robe blanche ; oh ! comme elle est contente !
Vois donc, mère !
Et la mère, en une vaine attente
S’épuisait. Avec son deuil chacun était seul,
Car la robe de soie était un froid linceul.

Ayons tous pitié d’eux, car ils sont trente mille !
Que le drapeau français qui flotte en chaque ville
Soit un drapeau de soie, étincelant et pur,
Où notre honneur aura toujours un abri sûr.
Femmes, quittez la laine et reprenez la soie ;
Il s’agit de sauver un peuple qui se noie,
Et d’arracher, aux flots hurlants qui l’ont surpris,
Lyon, qui revivra, — car nous sommes Paris !



PARIS. — IMP. DUBUISSON ET Cie.