Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/272

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dont Silvia se défend, mais dont elle ne peut se garantir. D’autre part, Silvia, sous le bavolet d’une soubrette, frappe Dorante d’un étonnement qui se change en irrésistible amour, si bien que Silvia est toute con^ fuse et toute troublée des sentiments qui s’émeuvent en elle, tandis que Dorante se sent résolu à épouser celle qu’il croit Lisette. Par une suprême habileté, Marivaux a placé au deuxième acte la révélation du nom de Dorante : il ne fallait pas que Silvia pût trop longtemps se croire attirée vers un valet. Cette émotion se serait changée pour elle en obsession. Dorante, au contraire, doit jusqu’au dénoûment persister dans une illusion qui atteste la sincérité de son penchant. Ce dénoûment révèle tout, et ces fiancés, ces époux de demain, ne seront que plus heureux de s’être choisis en toute liberté, selon la mystérieuse et douce impulsion de leur cœur. Un souvenir un peu romanesque ne gâte pas des félicités plus calmes et plus placides. Aucun sujet ne prêtait davantage à cette analyse où Marivaux triomphe. Cette surprise sincère de deux jeunes âmes s’exprime par les traits les plus heureux, les plus naturels. Qu’on relise la scène où Dorante se fait connaître à Silvia.

Les voilà, ces comédies trop peu lues, et qui ne seront jamais assez admirées, tant elles contiennent de scènes ingénieuses, d’idées fines, de mots qui vibrent dans le cœur. Pas une de ces pièces qui ne fasse honneur à la nature féminine.

Cette Lucile, cette Angélique, cette Araminte, cette Silvia, la bonne grâce les illumine, la pudeur les couronne,