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SARAH.

Il est vrai que presqu’à mon insu, je regardais avec une vague frayeur la route longue et dangereuse qui se déployait devant moi, et que j’avais parcourue sans prévoyance et sans crainte, protégée du sourire de ma mère. L’idée de la franchir une fois encore, la certitude de ne plus revoir mon père qu’à ce prix, m’oppressait le cœur, attristait les rêves de mon âge déjà moins heureux que l’enfance. Eugénie le voyait dans mes yeux, et son inquiète prévoyance captiva mon attention par une ruse innocente dont j’ai gardé le souvenir…

« Voyez-vous, me dit-elle, cette habitation qui s’élève au milieu de la montagne ? quand je viens de ce côté, elle me rappelle toujours l’histoire de Sarah. Si vous étiez toute à moi, je vous la raconterais. » Je regardai Eugénie en souriant. Alors elle