Page:Dickens - Le Mystère d'Edwin Drood, 1880.djvu/249

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« Je vous demande pardon, monsieur, dit-il en sautant à bas de la fenêtre et en s’avançant d’un air cordial et d’une façon qui prévenait en sa faveur. Mes haricots vous occupent… Ma porte est à côté de la vôtre. »

Neville resta complètement interdit.

« Et mes plantes grimpantes, reprit l’étranger, mes plantes, à fleurs écarlates, ne vous déplaisent point.

— Oh ! s’écria Neville qui comprenait enfin. La mignonnette et les giroflées aussi sont très-belles.

— Très-belles, dit le singulier personnage.

— Entrez, je vous prie. »

Neville alluma sa bougie et fit asseoir son visiteur : un beau garçon, au visage cuivré, mais dont le corps robuste et les larges épaules accusaient un âge plus mûr que celui du jeune Landless.

Il avait vingt-huit à trente ans peut-être ; il était fortement brûlé par le soleil, et le contraste entre son visage bruni et son front blanc que protégeaient les bords de son chapeau, entre ses joues hâlées et son cou demeuré blanc aussi sous sa cravate, pouvait bien prêter à rire ; mais la largeur de ce beau front, de ces grands yeux bleus pleins de feu, et de ces belles dents, le rendaient tout à fait aimable à voir.

« J’ai remarqué… dit-il. Mon nom est Tartar. »

Neville inclina la tête.

« J’ai remarqué… excusez-moi… que vous vivez très-renfermé et que vous semblez aimer mon jardin aérien. S’il vous plaisait d’en jouir davantage, je pourrais tendre quelques fils qui uniraient mes fenêtres aux vôtres et sur lesquelles les plantes grimpantes aimeraient à courir. J’ai encore quelques pots de mignonnette et de giroflée que je pourrais pousser le long de la gouttière à l’aide d’une gaffe… Je suis marin… Je pourrais également les retirer quand elles auraient besoin d’être arrosées ou taillées, de manière à ce que vous n’en éprouviez aucun dérangement. Cependant je n’ai pas voulu prendre cette liberté sans vous en demander la permission. Je vous le réitère : mon nom est Tartar, même étage que vous dans la maison, porte à côté.

— Vous êtes bien bon.

— Pas du tout ; je vous dois des excuses pour me pré-