Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/461

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espèce d’hiéroglyphe particulier à la poésie ; et j’ai considéré cet hiéroglyphe dans l’analyse de trois ou quatre morceaux des plus grands poètes.

Sur cette analyse, j’ai cru pouvoir assurer qu’il était impossible de rendre un poëte dans une autre langue ; et qu’il était plus commun de bien entendre un géomètre qu’un poëte.

J’ai prouvé par deux exemples la difficulté de bien entendre un poëte. Par l’exemple de Longin, de Boileau et de La Motte, qui se sont trompés sur un endroit d’Homère ; et par l’exemple de M. l’abbé de Bernis, qui m’a paru s’être trompé sur un endroit de Racine.

Après avoir fixé la date de l’introduction de l’hiéroglyphe syllabique dans une langue, quelle qu’elle soit, j’ai remarqué que chaque art d’imitation avait son hiéroglyphe, et qu’il serait à souhaiter qu’un écrivain instruit et délicat en entreprît la comparaison.

Dans cet endroit, j’ai taché, Monsieur, de vous faire entendre que quelques personnes attendaient de vous ce travail, et que ceux qui ont lu vos beaux-arts réduits à l’imitation de la belle nature se croyaient en droit d’exiger que vous leur expliquassiez clairement ce que c’est que la belle nature.

En attendant que vous fissiez la comparaison des hiéroglyphes, de la poésie, de la peinture et de la musique, j’ai osé la tenter sur un même sujet.

L’harmonie musicale, qui entrait nécessairement dans cette comparaison, m’a ramené à l’harmonie oratoire. J’ai dit que les entraves de l’une et de l’autre étaient beaucoup plus supportables que je ne sais quelle prétendue délicatesse qui tend de jour en jour à appauvrir notre langue ; et je le répétais, lorsque je me suis retrouvé dans l’endroit où je vous avais laissé.

N’allez pas vous imaginer. Monsieur, sur ma dernière réflexion, que je me repente d’avoir préféré notre langue à toutes les langues anciennes et à la plupart des langues modernes. Je persiste dans mon sentiment ; et je pense toujours que le français a sur le grec, le latin, l’italien, l’anglais, etc., l’avantage de l’utile sur l’agréable.

L’on m’objectera peut-être que si, de mon aveu, les langues anciennes et celles de nos voisins servent mieux à l’agrément, il est d’expérience qu’on n’en est pas abandonné dans