Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/464

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et cherche l’harmonie et les preuves du goût chez Horace, Cicéron, Virgile, Boileau, J.-B. Rousseau. Il s’attaque en même temps à l’origine des langues et à la comparaison de la langue française avec les langues anciennes. C’est cette troisième partie qui a provoqué la Lettre de Diderot, mais comme l’étincelle provoque une explosion. On peut dire qu’il n’y a aucun rapport de proportions entre l’effet et la cause.

Pendant que l’abbé Batteux se traîne assez péniblement, pour compléter son volume, dans l’examen des moyens que peuvent et doivent employer l’épopée, la tragédie, l’idylle, l’apologue pour imiter la belle nature, qu’il dit à peine quelques mots de la peinture et de la musique, Diderot, suivant son habitude, remonte aux commencements, pose une thèse toute neuve, répond à du Marsais, à d’Alembert, à tout le monde et oublie en route le champion en face duquel il s’est d’abord posé. Il ne s’en souvient qu’un instant pour lui demander une définition précise de la belle nature et pour lui rappeler que quelques connaissances en peinture et en musique n’auraient point été inutiles pour mener à bonne fin la tâche qu’il avait entreprise.

Si Diderot n’avait voulu faire que de la petite critique, de celle que dirigeaient contre lui les journalistes de Trévoux, n’aurait-il rien trouvé à dire sur cette conclusion qui résume toute la science de l’abbé parlant de peinture : « A quoi se réduisent toutes les règles de la peinture ? à tromper les yeux par la ressemblance, à nous faire croire que l’objet est réel, tandis que ce n’est qu’une image. Cela est évident. » N’aurait-il pas demandé comment l’imitation de la belle nature pouvait conduire à donner pour « base au spectacle lyrique » le choix d’acteurs qui soient « ou dieux ou demi-dieux, ou au moins des hommes en qui il y ait quelque chose de surnaturel, acteurs qu’on mettra ensuite dans des situations où ils éprouvent des passions vives ? » Diderot n’a pas fait cela et il a bien fait, car il a fait mieux et plus.

Nous avons dit en terminant la notice préliminaire de cette Lettre que le livre de l’abbé Batteux ne manquait pas de mérite, nous ne nous dédisons pas en signalant quelques-unes de ses parties faibles. En réalité ce sont ses idées qui dominent encore chez les partisans de l’art classique et conventionnel et chez les esthéticiens spiritualistes.