Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/258

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— S’il est votre ami, s’il est juste, il trouvera votre excuse en lui-même ; il sera touché de votre franchise et de votre repentir ; il jettera ses bras autour de votre cou ; il fera ce que je ferais à sa place.

— Vous le croyez ?

— Je le crois.

— Et c’est ainsi que vous en useriez ?

— Je n’en doute pas… »

À l’instant le chevalier se lève, s’avance vers moi, les larmes aux yeux, les deux bras ouverts, et me dit : « Mon ami, embrassez-moi donc.

— Quoi ! chevalier, lui dis-je, c’est vous ? c’est moi ? c’est cette coquine d’Agathe ?

— Oui, mon ami ; je vous rends encore votre parole, vous êtes le maître d’en agir avec moi comme il vous plaira. Si vous pensez, comme moi, que mon offense soit sans excuse, ne m’excusez point ; levez-vous, quittez-moi, ne me revoyez jamais qu’avec mépris, et abandonnez-moi à ma douleur et à ma honte. Ah ! mon ami, si vous saviez tout l’empire que la petite scélérate avait pris sur mon cœur ! Je suis né honnête ; jugez combien j’ai dû souffrir du rôle indigne auquel je me suis abaissé. Combien de fois j’ai détourné mes yeux de dessus elle, pour les attacher sur vous, en gémissant de sa trahison et de la mienne. Il est inouï que vous ne vous en soyez jamais aperçu… »

Cependant j’étais immobile comme un Terme pétrifié ; à peine entendais-je le discours du chevalier. Je m’écriai : « Ah ! l’indigne ! Ah ! chevalier ! vous, vous, mon ami !

— Oui, je l’étais, et je le suis encore, puisque je dispose, pour vous tirer des liens de cette créature, d’un secret qui est plus le sien que le mien. Ce qui me désespère, c’est que vous n’en ayez rien obtenu qui vous dédommage de tout ce que vous avez fait pour elle. » (Ici Jacques se met à rire et à siffler.)


Mais c’est La vérité dans le vin, de Collé[1]… Lecteur, vous ne savez ce que vous dites ; à force de vouloir montrer de l’esprit, vous n’êtes qu’une bête. C’est si peu la vérité dans le vin,

  1. La Vérité dans le vin, ou les Désagréments de la galanterie, charmante comédie de Collé, qui offre, comme ses autres productions en ce genre, une peinture aussi agréable que vraie des mœurs de son temps. (Br.)