Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fait une mauvaise chose sur laquelle on eût écrit : Falconet fecit, qu’elle fût placée de manière à rester après toi, et que tu apprisses qu’elle est brisée, certes tu t’en réjouirais. À l’application !

Avez-vous le diable au corps, monsieur Falconet, de me faire saboter comme un pot, et d’enfourner dans un courant d’étude ma tête que d’autres êtres appellent ? Au premier instant de loisir et de bonne humeur, et puis je reprends mon Olinde. Bonjour, sophiste.


IV


Février 1766.


J’ai suivi le conseil que vous m’avez donné. J’ai repris vos lettres : je les ai placées devant moi, et j’ai écrit à mesure que je les lisais. Si je n’ai pas répondu à tout, ce n’est ni dissimulation, ni finesse, ni même insuffisance ; c’est inadvertance pure. Si vous connaissiez mes amis avec qui je ferraille sans cesse, ils vous diraient tous que personne n’avoue plus franchement que moi une bonne botte bien appliquée. Je vous présenterai mes idées isolées les unes des autres, parce que ce sera vous épargner la peine de les découdre. Je vous les présenterai d’une manière courte, sèche et abstraite, parce que, sous cette forme, elles en donneront peut-être moins de prise à votre subtilité. Je les dépouillerai de tout le faste oratoire, parce que vous êtes ombrageux, et que ma cicéronerie pourrait vous mettre en méfiance. Il n’y en a presque aucune qui n’eût échauffé mon âme et pris une teinte de pathétique ; mais on risque de vous faire rire, en cherchant à vous faire pleurer. Vous êtes le plus maudit adversaire qu’on puisse avoir en tête. J’ai voulu essayer ce qu’on obtiendrait de vous en s’abandonnant à votre discrétion, et si vous auriez la lâcheté de battre un homme qui se couche à terre ; car c’est se coucher à terre que de s’assujettir à la méthode scolastique et sentencieuse dans une affaire de verve, de sentiment et d’enthousiasme.

Tout ce qui tend à émouvoir le cœur et à élever l’âme ne