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Maintenant parcourons les livres des anciens et leurs monumens ; comparons ce qu’ils ont dit de l’ibis, ou les images qu’ils en ont tracées, avec l’oiseau que nous venons de décrire, nous verrons toutes les difficultés s’évanouir et tous les témoignages s’accorder avec le meilleur de tous, qui est le corps même de l’oiseau conservé dans la momie.

« Les ibis les plus communs, dit Hérodote, Euterpe, no. 76, ont la tête et le devant du cou nus, le plumage blanc, excepté sur la tête, sur la nuque, au bout des ailes et du croupion qui sont noirs[1]. Leur bec et leurs pieds ressemblent à ceux des autres ibis. » Et il avait dit de ceux-ci : « Ils sont de la taille du crex, de couleur entièrement noire, et ont les pieds semblables à ceux de la grue, et le bec crochu. »

Combien de voyageurs ne font pas aujourd’hui de si bonnes descriptions des oiseaux qu’ils observent que celle qu’Hérodote avait faite de l’ibis !

Comment a-t-on pu appliquer cette description à un oiseau qui n’a de nu que la face, et qui l’a rouge, à un oiseau qui a le croupion blanc et non recouvert au moins comme le nôtre par les plumes noires des ailes ?

Cependant ce dernier caractère était essentiel à l’ibis. Plutarque dit (de Iside et Osiride) qu’on trouvait dans la manière dont le blanc était tranché avec le noir dans le plumage de cet oiseau, une figure du croissant de la lune. C’est en effet par la réunion du noir des dernières plumes des ailes avec celui des deux bouts d’aile que se forme, dans le blanc, une grande échancrure demi-circulaire qui donne à ce blanc la figure d’un croissant.

Il est plus difficile d’expliquer ce qu’il a voulu dire en avançant que les pieds de l’ibis forment avec son bec un triangle équilatéral. Mais on conçoit l’assertion d’Elien, que lorsqu’il retire sa

  1. Ψιλὴ τὴν κεφαλὴν, καὶ τὴν δειρὴν πᾶσαν. Λευκὴ πτεροῖσι, πλὴν κεφαλῆς, καὶ αὐχένος καὶ ἄκρων τῶν πτερύγων, καὶ πυγαίου ἄκρου. Feu Larcher, Hérodote, traduction française, tome II, page 327, a bien fait sentir la différence de ces mots, αὐχὴν, la nuque, et δείρη ou δέρη, la gorge.