Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/113

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ne vivant que par la force de la nature. Et ce que j’en ai eu des enfants !

— Bon ! Laissons cela ! Mais écoutez : voici longtemps que je voulais vous demander pourquoi vous vous retournez toujours aussitôt que vous êtes entré ? C’est très drôle à voir !

— Pourquoi je regarde en arrière ! Mais parce qu’il me semble toujours qu’il y a, derrière moi, quelqu’un qui va me frapper : voilà pourquoi. Je suis devenu monomane, mon petit père.

On rit encore. L’institutrice se leva, fit un pas pour s’en aller, mais elle se rassit ; malgré la rougeur qui le couvrait, son visage exprimait une souffrance maladive.

— Tu sais, me chuchota mon oncle, c’est son père !

Je regardai mon oncle avec effarement. J’avais complètement oublié le nom d’Éjévikine. Pendant tout le trajet en chemin de fer, j’avais fait le héros, rêvant à ma promise supposée, bâtissant à son profit les plans les plus généreux, mais je ne me souvenais plus de son nom ou, plutôt, je n’y avais pas fait attention.

— Comment, son père ? Fis-je aussi dans un chuchotement. Je la croyais orpheline !

— C’est son père, mon ami, son père ! Et, tu sais, c’est le plus honnête homme du monde ; il